mercredi 14 décembre 2011

Justice privée, police privée : rêvons un peu

Un spectre hante la société post-moderne : celui d’un État qui abandonnerait ses prérogatives régaliennes pour les confier au secteur privé, mieux à même de satisfaire les citoyens.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que justice et police fonctionnent mal en France.

La justice s’illustre par de retentissantes erreurs judiciaires, certaines font la une des journaux, d’autres, bien plus nombreuses, passent inaperçues. Les délais sont extrêmement longs, les cours sont encombrées, les procédures sont lentes, coûteuses. L’inertie étouffe les meilleures volontés. Les affaires sont vite classées, les peines parfois non exécutées.

La police, quant à elle, a des taux d’élucidation très bas (par exemple 10% pour les cambriolages). Comme la justice, on peut l’accuser d’obéir à des impératifs plus politiques qu’orientés vers la satisfaction du citoyen. Le fonctionnaire moyen, et on le comprend, préfèrera ne pas faire d’excès de zèle, n’ayant finalement rien à y gagner. Mieux vaut infliger des amendes aux honnêtes gens et leur grignoter petit à petit leur permis de conduire que de s’aventurer dans les zones de non-droit ou jouer les petits soldats dans certaines banlieues chaudes.

Le citoyen finit par comprendre que ces institutions et organisations chargées de le protéger sont d’abord à leur service, avant d’être au sien. Ainsi il s’en détourne autant qu’il le peut. Hélas, il n’a pas le choix, puisque l’État maintient un monopole des plus stricts dans ce domaine.

Il serait temps de considérer que la justice et la police sont des services comme les autres, au service de clients, justiciables ou plaignants, qu’il importe avant tout de satisfaire. D’autres services bien plus essentiels à notre vie, l’alimentation, l’habillement, la pharmacie (etc.) sont privés, et, sauf à vouloir mourir de faim, vivre nu, ou passer sa vie dans les files d’attente, on n’imagine pas que l’État les prenne un jour en charge. Comme dans les autres secteurs de la vie économique et sociale, la concurrence a du bon. Mieux, elle est le seul moyen de progresser vers une meilleure satisfaction des besoins.

Certes, la justice et la police ont un coût. Les sociétés d’assurance, par leur prise en charge de l’aléa, sont le mieux à même de pourvoir au coût des procédures de justice ou des enquêtes policières. Elles devraient élargir leur champ d’action pour suivre l’ouverture au privé des services de justice et de police (si elle survient un jour - peut-être dans quelques siècles !).

J’entends les objections de ceux qui craignent de voir de tels services confiés au privé. Ne vont-ils pas favoriser les plus riches ? De façon étonnante, on ne se pose pas la question de savoir si, déjà, les plus riches ne sont pas favorisés. Ne peuvent-ils pas, déjà, se payer les meilleurs avocats et donc avoir de meilleures chances de gagner un procès ? Embaucher des gardes du corps, et donc ne pas craindre de se faire agresser par les voyous, comme le commun des mortels ?

Quant aux juges et policiers privés, croyez-vous qu’ils seraient corruptibles ? Davantage que les juges et policiers publics ? Mais qui, dans la situation actuelle, n’a de compte à rendre à personne, si ce n’est à une hiérarchie bien peu regardante ? Dans quelle société le pouvoir des riches est-il le plus efficace : dans celle du maquis juridique, des passe-droits, des grilles des salaires rigides, de l’absence de motivation, ou dans celle où la responsabilité du juge et du policier serait directement engagée, comme c’est ou ce devrait être le cas pour toute personne qui gagne sa vie en offrant ses services à ses concitoyens ?

Le marché, fondé sur l’échange libre, n’est pas l’expression de la loi du plus fort, c’est un champ de concurrence pacifique par lequel le consommateur vote pour le plus compétent. La loi du plus fort existe quand le monopole de la force existe, et c’est l’État qui l’exerce à ce jour. La séparation des pouvoirs est alors illusoire, exécutif et judiciaire étant mêlés de façon inextricable. Les politiciens s’auto-amnistient et certains d’entre eux sont protégés par une immunité scandaleuse. L’administration d’État devient intouchable. Le Léviathan prétend assurer notre protection, mais qui nous protègera du Léviathan ?

Certes, l’ultra-étatisme actuel ne s’avouera pas facilement vaincu, et mon "ultra-libéralisme" (le terme exact serait plutôt "anarcho-capitalisme") semble aujourd’hui ultra utopique, même si la littérature libertarienne a déjà étudié la perspective de confier à la société civile l’ensemble des tâches monopolisées par le « monstre froid » que stigmatisait Nietzsche.

J’ai conscience qu’il s’agit là d’une proposition, ou plutôt d’une simple considération, voire d’une extrapolation, qui est iconoclaste, et totalement irréaliste dans la situation actuelle, où la seule privatisation d’un dinosaure tel que GDF a provoqué des remous à droite et à gauche.

Pourtant, à long terme, il n’y a là rien d’utopique. L’arbitrage privé existe déjà, les polices privées également. Longtemps avant le monopole d’État, les tribunaux étaient privés. Les assurances "assistance juridique" existent déjà pour les particuliers. On reconnaîtra sans doute un jour que le marché est la seule organisation capable de procurer cette séparation des pouvoirs ultime qui garantit les droits fondamentaux de la personne. En attendant, on peut rêver, en espérant que le cauchemar sécuritaire ne vienne pas nous réveiller brutalement.

mercredi 24 août 2011

Les Suisses aussi sont endoctrinés par leur Etat !

Je vis en Suisse depuis un an. On pourrait penser que la Suisse est un pays plus libéral que bien d'autres pays européens, et qu'elle ne soumet pas ses têtes blondes scolarisées à une propagande pro-État effrénée comme c'est le cas en France, où "hors de l'État point de salut".

Eh bien, ici aussi la propagande va bon train. Il ne faudrait pas qu'il prenne aux élèves l'envie de penser par eux-mêmes et de remettre en cause la tutelle étatique, cela ferait naître en eux un scepticisme dévastateur.

Extrait d'un manuel scolaire "Introduction à l'économie politique", de Fouad Serageldine (éditions Les Valangines) :
L'État-gendarme des libéraux a perdu ses adeptes au fur et à mesure que se sont répandus les doutes quant à la fameuse harmonie des intérêts qui règnerait dans une économie vraiment laissée à elle-même. Or ces doutes ne sont que trop justifiés, car une telle économie connaîtrait certainement une dangereuse instabilité et une inégalité sociale exagérée. Aussi admet-on de plus en plus que l’État doit assumer, d'une manière générale, et non seulement en temps de guerre et de crise, la responsabilité de la bonne marche de l'économie.
La pratique montre avec quelle habileté remarquable l’État s'acquitte de cette soi-disant mission de "la bonne marche de l'économie"...

Faites votre choix dans la liste de sophismes qui imprègnent ce texte : pétition de principe, pseudo-élitisme (croyance dans le chapeau magique des étatistes), alibi de l'inégalité, etc.

dimanche 6 février 2011

Ecrit il y a plus de 150 ans... (sur la dette)

Jadis, le support essentiel du trône, c’était la foi ; aujourd’hui, c’est le crédit. Le pape lui-même doit faire confiance à peine davantage à ses croyants qu’à ses créanciers.
Autrefois, l’on déplorait les péchés du monde, aujourd’hui on considère avec consternation les dettes du monde ; de même que jadis on prophétisait le Jugement dernier, on prophétise aujourd’hui la grande répudiation des dettes (σεισάχθεια), l’universelle banqueroute des Etats, espérant secrètement ne pas vivre pour en être soi-même témoin.

(Arthur Schopenhauer)