samedi 7 novembre 2009

Qui est John Galt ?

Ayn Rand - La Révolte d'Atlas.

L'extrait que j'ai choisi montre l'impossibilité du dialogue entre le producteur, qui sait que rien n'existe sans travail ni effort, et le politicien, qui croit qu'il suffit, pour que l'économie aille bien, de l'organiser d'en haut, tout en gardant une sphère politique parasitaire qui serait déconnectée de l'économie.
_________________________

— Nous devons préserver le système et ses traditions tels qu’ils le sont. En revanche, nous sommes d’accord pour le faire évoluer. Nous effectuerons les changements nécessaires selon le cahier des charges que vous nous soumettrez. Nous ne sommes pas obtus, théoriques, ou dogmatiques… nous sommes flexibles, au contraire. Nous ferons tout ce que vous nous dicterez de faire. Vous aurez les mains libres, et nous, nous coopérerons. Nous accepterons volontiers les compromis. Nous nous entendrons sur une base gagnant-gagnant. Nous conserverons le contrôle du volet politique, et vous cèderons un pouvoir absolu sur le volet économique. Nous vous abandonnerons les outils de production du pays, nous vous ferons le présent de la machine économique toute entière. A partir de là, vous la ferez fonctionner comme bon vous semble, vous serez aux commandes, vous ordonnerez la publication des décrets… et vous aurez la jouissance de l’ensemble de l’appareil d’Etat pour faire appliquer et respecter vos directives. Nous, de notre côté, nous serons prêt à vous obéir, nous tous, en commençant par moi, jusqu’au bas de la pyramide. Pour tout ce qui relève des questions de production, nous ferons absolument tout ce que vous nous demanderez. Vous vous retrouverez dans une position et avec des pouvoirs similaires à ceux d’un dictateur économique de la nation !

Galt éclata de rire.

Ce fut l’amusement simple que traduisait ce rire qui choqua Monsieur Thompson.

— Qu’est-ce qui vous arrive ?

— Donc, c’est ça, votre idée de compromis, n’est-ce pas ?

— Qu’est-ce que… ? Arrêtez de sourire comme ça !... Je crois que vous ne m’avez pas compris. Je suis en train de vous offrir le poste de Wesley Mouch… et il n’y a rien de plus gros que quiconque pourrait vous offrir !... Vous serez libre de faire tout ce que vous souhaitez. Si vous n’aimez pas les contrôles un peu trop stricts… révoquez-les. Si vous voulez augmenter les revenus de l’Etat et diminuer les salaires… faites voter des décrets l’ordonnant. Si vous voulez accorder des privilèges spéciaux et des abattements fiscaux pour les barons de l’économie… accordez-les leurs. Si vous n’aimez pas les syndicats… ordonnez leur dissolution par décret spécial. Si vous voulez une libre économie de marché… ordonnez aux gens d’être libres de faire ce qu’ils veulent ! Organisez les choses comme bon vous semble. Mais faites venir la reprise. Réorganisez l’économie nationale. Remettez le pays au travail. Faites-les produire. Ramenez vos propres hommes… les hommes d’intelligence et de créativité… les cerveaux. Guidez-nous pour nous aider à retrouver la route menant à une ère scientifique, industrieuse, et de paix et de prospérité.

— Au bout du canon d’un fusil ?

— Bon, écoutez, je… Maintenant, qu’est-ce qui est si foutrement drôle dans tout ça ?

— Allez-vous me dire simplement une chose : si vous êtes en mesure d’affirmer que vous n’avez pas compris un mot de ce que j’ai dit à la radio, qu’est-ce qui vous fait penser que je serais d’accord pour prétendre que je ne l’ai pas dit ?

— Je ne comprends pas ce que vous voulez dire ! Je…

— Laissez tomber, c’était juste une matière de rhétorique. La première partie de ceci répond à la question de la seconde.

— Hein ?

— Je ne joue pas à votre genre de jeu, Frangin… si vous en voulez une traduction.

— Est-ce que vous voulez dire que vous refusez mon offre ?

— Exactement.

— Mais pourquoi ?

— Ça m’a pris trois heures, à la radio, pour vous l’expliquer.

— Oh, mais ça c’est juste de la théorie ! Moi, je suis en train de vous parler business, là. Je suis en train de vous proposer le meilleur job de la planète. Vous allez me dire ce qui coince, là-dedans ?

— Ce que je vous ai dit, durant ces trois heures, c’est que ça ne marchera pas.

— Vous pouvez le faire marcher.

— Comment ?

Monsieur Thompson étendit les mains.

— Je ne le sais pas. Si je le savais, je ne serais pas venu vous voir. C’est à vous de le savoir. C’est vous le génie de l’industrie. Vous avez le pouvoir de résoudre tous les problèmes.

— J’ai dit que ça ne pouvait pas être fait.

— Vous pourriez le faire.

— Comment ?

— D’une manière ou d’une autre. Il entendit le rire étouffé de Galt, et ajouta, « Et pourquoi pas ? Expliquez juste pourquoi ce ne serait pas possible ? »

— O.K., je vais vous le dire. Vous voudriez que je sois le dictateur économique ?

— Oui.

— Et vous obéiriez à tous les ordres que je pourrais donner ?

— Implicitement !

— Et bien alors, commencez donc par abolir les impôts sur le revenu.

— Oh non ! s’écria Monsieur Thompson en bondissant sur ses jambes, « Nous ne pourrions pas faire ça ! Ça… ça ne relève pas du domaine de la production. Ça, ça relève du domaine de la redistribution. Comment payerions-nous les fonctionnaires ?

— Mettez vos fonctionnaires à la porte.

— Oh non ! Ça c’est de la politique. C’est pas de l’économie! Vous ne pouvez pas interférer dans les affaires politiques ! Vous ne pouvez tout de même pas tout avoir, non plus !

Galt croisa ses jambes sur le prie-Dieu tout s’étirant plus confortablement dans le fauteuil tapissé.

— On continue ? Ou arrivons-nous au but ?

— Je ne faisais seulement… Il s’arrêta.

— Préféreriez-vous que ce soit moi qui en vienne au but ?

— Ecoutez, dit Monsieur Thompson sur le ton de l’apaisement et en se rasseyant sur le bord de son fauteuil. Je ne veux pas tergiverser. Je ne suis pas bon pour les palabres. Je suis un homme d’action. Le temps nous est compté. Tout ce que je sais, c’est que la nature vous a donné un bon cerveau. Exactement le genre de cerveau dont nous avons besoin. Vous savez tout faire. Vous pourriez mettre le pays sur la voie de la reprise économique, si vous le vouliez.

— D’accord, présentons les choses sous votre angle : je ne veux pas le faire. Je ne veux pas être un dictateur économique, même pas, même pas juste pour le temps nécessaire de donner cet ordre aux gens, par décret, d’être libres… un décret que n’importe quelle personne rationnelle et censée me jetterait à la figure, parce qu’il saurait que ses droits n’ont pas à être tenus, donnés ou reçus avec votre permission ou avec la mienne.

— Dites-moi, fit Monsieur Thompson en le regardant d’un air pensif, « qu’est-ce que c’est que vous cherchez, au juste ? »

— Je vous l’ai dit à la radio.

— Je pige pas. Vous avez dit que vous vous êtes engagé au nom de vos propres intérêts personnels… et ça je peux le comprendre. Mais qu’est ce que vous pourriez obtenir dans le

futur que vous ne pourriez obtenir maintenant, de notre part, servi sur un plateau d’argent ? Je pensais que vous étiez un égoïste et un homme à l’esprit pratique. Je vous offre un chèque en blanc sur tout ce que vous pourriez souhaiter… et vous me répondez que vous n’en voulez pas. Pourquoi ?

— Parce qu’il est sans provisions, votre chèque en blanc.

— Quoi ?

— Parce que vous n’avez aucune valeur à m’offrir.

— Je peux vous offrir tout ce que vous voulez. Tout ce que vous avez à faire, c’est de me dire ce que c’est.

— Vous, dites moi ce que c’est.

— Bon, vous parlez beaucoup de richesse. Si c’est de l’argent que vous voulez… vous ne parviendriez pas à vous faire durant trois fois votre vie ce que je peux vous remettre dans la main dans la minute, à cette minute même, payé cash “au cul du camion”. Vous voulez un milliard de dollars… un joli petit milliard de dollars net d’impôt ?

— Que j’aurais à produire pour vous, pour que vous parveniez à me le remettre ?

— Non, là je suis en train de vous parler d’argent qui sort directement du trésor public, en billets neufs et fraîchement imprimés… ou… ou même en or, si vous préférez.

— Et je m’achèterais quoi, avec.

— Oh, écoutez, quand le pays sera remis sur pied…

— Quand je l’aurai remis sur ses pieds ?

— Bon, si ce que vous voulez, c’est de faire “tourner la boutique” à votre manière, si c’est le pouvoir qui vous intéresse, je vous garantie que chaque homme, femme et enfant dans ce pays obéira à vos ordres et fera tout ce que vous voulez.

— Après que je leur aurai appris à le faire ?

— Si vous voulez n’importe quoi pour votre propre clan… pour tous ces hommes qui ont disparu… des bons postes… des salaires convenables… des appartements de fonction… un peu de pouvoir… des exonérations d’impôts, n’importe quel privilège spécial… vous n’avez qu’à demander, ils l’auront.

— Une fois que je les aurai ramenés ici ?

— Bon, à la fin… qu’est-ce que vous voulez ?

— De quoi sur terre auriez-vous besoin ?

— Hein ?

— Qu’auriez-vous à m’offrir que je ne pourrais avoir sans vous ?

Il y eut une expression différente dans les yeux de Monsieur Thompson, lorsqu’il revint à la charge, comme s’il se trouvait acculé, et cependant il regarda Galt droit dans les yeux pour la première fois, et il dit lentement :

— Sans moi, vous ne pourriez pas sortir de cette pièce, maintenant.

Galt sourit.

— C’est vrai.

— Vous ne seriez pas capable de produire quoi que ce soit. Vous pourriez être abandonné ici pour y crier famine.

— C’est vrai.

— Bon, et là, vous comprenez ce que je veux dire?

La sonorité joviale et familière revint dans la voix de Monsieur Thompson, comme si l’allusion adressée et reçue pouvait désormais être dissipée en toute sécurité par le seul moyen de l’humour.

— Ce que j’ai trouvé à vous offrir, maintenant, c’est votre vie.

— Ce n’est pas à vous de me l’offrir, Monsieur Thompson. dit Galt d’une voix douce.

Quelque chose dans la voix de Galt secoua Monsieur Thompson pour l’inciter à lui lancer un regard, puis une seconde secousse lui fit regarder ailleurs avec encore plus de promptitude : le sourire de Galt avait presque été gentil.

— Maintenant, dit Galt, « est-ce que vous voyez ce que je veux dire quand j’explique qu’un zéro ne peut pas acheter la vie de quelqu’un à crédit ? C’est moi qui devrais vous accorder ce genre de crédit… et je ne vais pas le faire. Le retrait d’une menace n’est pas un paiement, le déni d’une valeur négative n’est pas une récompense, le retrait de vos gorilles armés ne constitue pas un encouragement, l’offre consistant à ne pas me tuer n’est pas une valeur. »


jeudi 29 octobre 2009

L'endoctrinement étatiste dans les Grandes Ecoles françaises

On sait que l'enseignement de l'économie en France est assez lamentable. Tout ce que semblent retenir les élèves est que l'intervention de l'Etat est toujours nécessaire (vive Keynes !), et qu'il faut avant tout se méfier du marché, des entrepreneurs, et du capitalisme : la seule entité qui sache mieux que tout le monde, c'est exclusivement l'Etat ! Ou plutôt ses serviteurs, tels des prêtres inspirés ou des dieux omniscients et omnipotents.

Quand j'étais à l'école des Ponts (1978-1981), il y avait un cours d'économie, ou plutôt une initiation à l'économie, qui était sans prétention. Guy Benattar, fonctionnaire au ministère de l'Equipement, X'62, Ponts 67, essayait tant bien que mal de nous initier à l'optimum de Pareto et autres choses ésotériques. Même si l'enseignement n'était pas 100% keynésien, et ne reposait pas exclusivement sur les maths, il était quand même aux antipodes de ceux de l'Ecole autrichienne d'économie (que je ne connus que beaucoup plus tard, et qui étaient totalement ignorés en France). Je me souviens avoir eu une bonne note à une interrogation où l'on nous demandait de proposer des remèdes au chômage en France : j'avais recopié en le paraphrasant le programme de l'Union de la gauche mitterrandienne (plan de relance, dépenses à tout-va et tutti quanti, plan testé quelques années plus tard avec le succès que l'on sait) ! Obnubilés par l'illusion gauchiste, les élèves (dont moi) avaient gentiment reproché à Guy Benattar, à la fin de l'année, de ne pas avoir parlé de l'économie socialiste (le terme d'économie socialiste - quasi oxymore - prête à rire, mais nous pensions sincèrement qu'il existait une autre voie parallèlement à l'économie capitaliste ou à l'économie mixte soviétoïde à la française).

Je suis tombé par hasard sur le cours d'économie actuel, fait aux Ponts par un monsieur Stéphane Gallon, cours d'initiation accessible ici : ECONOMIE GENERALE INITIATION, Année scolaire 2009-2010, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées.

En lisant ce cours, on peut juger de l'avancée de l'illusion scientiste en économie. Il suffit de voir comme tout est mathématisé, et comme on prend facilement le modèle pour la réalité. Le biais étatiste apparaît clairement à de nombreux endroits (mais qu'attendre d'autre de ce type d'école ?). Par exemple, page 35 :
A RETENIR EN PRIORITE :
* En pratique, les marchés sont imparfaits : l’intervention des pouvoirs publics est nécessaire car la concurrence n’est pas assez vive (concurrence imparfaite) ou car elle ne conduit pas à une situation optimale pour la société (défaillances de marché).
* Lorsque le nombre d’agents présents sur un marché est trop petit, ces agents peuvent manipuler les prix à leur avantage, et au détriment de la société dans son ensemble. L’Etat doit favoriser une plus grande concurrence ou contrôler les prix.
* En présence de rendements croissants, le monopole est souhaitable pour l’efficacité productive (monopole naturel) mais il faut prévoir d’en contrôler le comportement. Le monopole naturel réalise des pertes si on lui impose de tarifer au coût marginal (ce qui est pourtant optimal socialement).
* En présence d’externalités, les prix ne suffisent plus à orienter correctement le comportement des agents (exemple type : pollution). L’Etat doit agir (taxes, réglementations, permis).
On appréciera le beau sophisme non sequitur : "les marchés sont imparfaits : l’intervention des pouvoirs publics est nécessaire". Je renvoie à Wikibéral pour ceux qui voudraient les réfutations de ce point de vue très "orienté", mais hélas très courant en France.

L'auteur critique également ce qu'il appelle le "credo libéral" (qui est en fait plutôt de l'utilitarisme parétien, puisqu'il s'agit dans la définition qu'il en donne de théorèmes de l’économie du bien-être). L'auteur semble penser que l'économie est une science exacte, car il dit que "ce credo repose sur des théorèmes qui ne sont valides que sous certaines hypothèses, parfois fortes". J'imagine qu'à la fin de l'année les élèves croiront avoir appris plein de choses, alors qu'en fait tout a été ramené à des équations, à des fictions depuis longtemps démontées par les Autrichiens comme la "concurrence pure et parfaite", et à un schématisme dont on prétend tirer des conclusions - évidemment toujours dans un sens étatiste. Quand on a comme seul outil un marteau, tout se transforme en clou ! Vous voulez des maths, on vous en donne, car ça corrobore bien la vulgate étatiste ! Il est certain que le matheux, qui voudrait un jour sortir de ce confortable conformisme, risque d'être en manque d'équations s'il lui prend l'envie de lire des livres sérieux comme l'Action humaine de Ludwig von Mises, ou l'œuvre de Hayek (sans aller jusqu'à des iconoclastes comme Rothbard ou Lemennicier)...

L'avantage considérable du point de vue scientiste pour l'enseignant est sa prétention à l'objectivité, car il semble s'appuyer sur une science rigoureuse (en fait, sur un schématisme mathématique tout à fait réducteur). Il permet de qualifier le libéralisme d'idéologie au même titre que le serait le socialisme. Le scientisme adopte en fait, sans le savoir, le même point de vue que les socialistes. Il faut relire Jean-François Revel à ce sujet :
Un malentendu fausse quasiment toutes les discussions sur les mérites respectifs du socialisme et du libéralisme : les socialistes se figurent que le libéralisme est une idéologie. [...] Les libéraux se sont laissé inculquer cette vision grossièrement erronée d’eux-mêmes. Les socialistes, élevés dans l’idéologie, ne peuvent concevoir qu’il existe d’autres formes d’activité intellectuelle. Ils débusquent partout cette systématisation abstraite et moralisatrice qui les habite et les soutient. Ils croient que toutes les doctrines qui les critiquent copient la leur en se bornant à l’inverser et qu’elles promettent, comme la leur, la perfection absolue, mais simplement par des voies différentes.[...]
Toute idéologie est intrinsèquement fausse, de par ses causes, ses motivations et ses fins, qui sont de réaliser une adaptation fictive du sujet humain à lui-même – à ce « lui-même », du moins, qui a décidé de ne plus accepter la réalité, ni comme source d’information ni comme juge du bien-fondé de l’action.[...]
Le libéralisme n’est pas le socialisme à l’envers, n’est pas un totalitarisme idéologique régi par des lois intellectuelles identiques à celles qu’il critique.
Texte complet ici : La mémoire tronquée.

Heureusement, les bons textes se trouvent sur Internet. Pas besoin de maîtriser les mathématiques avancées pour comprendre le fonctionnement général de l'économie. Tout espoir n'est pas perdu pour la jeune génération !

jeudi 22 octobre 2009

Le privilège de la stupidité

Une vidéo qui rejoint mon article sur le marché de la stupidité. J'essayais de déceler dans le système électif une possible stupidité de l'électeur, Richard Maybury s'intéresse plus directement à celle du gouvernement. L'argument est simple : l'homme de l'Etat n'étant jamais dépendant des usagers des services publics, consommateurs forcés dont il tire des ressources ad libitum, il en résulte que son "service" est loin de présenter les qualités qu'on pourrait espérer. C'est également illustré par la loi de Savas ainsi que par la plus approximative loi de Friedman (David).

lundi 19 octobre 2009

La Loi (Frédéric Bastiat, 1850) - version courte


Un texte qui devrait être lu et médité par tous ceux qui s'occupent de droit, de législation et de politique. Sous peine de tomber dans "l'égoïsme inintelligent et la fausse philanthropie" dont parle Bastiat.

Vu le point où on en est arrivé en matière de droit positif aujourd'hui dans le monde, on peut rêver...

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La loi pervertie! La loi — et à sa suite toutes les forces collectives de la nation, — la Loi, dis-je, non seulement détournée de son but, mais appliquée à poursuivre un but directement contraire! La Loi devenue l'instrument de toutes les cupidités, au lieu d'en être le frein! La Loi accomplissant elle-même l'iniquité qu'elle avait pour mission de punir! Certes, c'est là un fait grave, s'il existe, et sur lequel il doit m'être permis d'appeler l'attention de mes concitoyens.
(…)

Ce n'est pas parce que les hommes ont édicté des Lois que la Personnalité, la Liberté et la Propriété existent. Au contraire, c'est parce que la Personnalité, la Liberté et la Propriété préexistent que les hommes font des Lois.

Qu'est-ce donc que la Loi? Ainsi que je l'ai dit ailleurs, c'est l'organisation collective du Droit individuel de légitime défense.

Chacun de nous tient certainement de la nature (…) le droit de défendre sa Personne, sa Liberté, sa Propriété, puisque ce sont les trois éléments constitutifs ou conservateurs de la Vie, éléments qui se complètent l'un par l'autre et ne se peuvent comprendre l'un sans l'autre. Car que sont nos Facultés, sinon un prolongement de notre Personnalité, et qu'est-ce que la Propriété si ce n'est un prolongement de nos Facultés?

Si chaque homme a le droit de défendre, même par la force, sa Personne, sa Liberté, sa Propriété, plusieurs hommes ont le Droit de se concerter, de s'entendre, d'organiser une Force commune pour pourvoir régulièrement à cette défense.

Le Droit collectif a donc son principe, sa raison d'être, sa légitimité dans le Droit individuel; et la Force commune ne peut avoir rationnellement d'autre but, d'autre mission que les forces isolées auxquelles elle se substitue.

Ainsi, comme la Force d'un individu ne peut légitimement attenter à la Personne, à la Liberté, à la Propriété d'un autre individu, par la même raison la Force commune ne peut être légitimement appliquée à détruire la Personne, la Liberté, la Propriété des individus ou des classes.

Car cette perversion de la Force serait, en un cas comme dans l'autre, en contradiction avec nos prémisses. Qui osera dire que la Force nous a été donnée non pour défendre nos Droits, mais pour anéantir les Droits égaux de nos frères? Et si cela n'est pas vrai de chaque force individuelle, agissant isolément, comment cela serait-il vrai de la force collective, qui n'est que l'union organisée des forces isolées?

Donc, s'il est une chose évidente, c'est celle-ci: La Loi, c'est l'organisation du Droit naturel de légitime défense; c'est la substitution de la force collective aux forces individuelles, pour agir dans le cercle où celles-ci ont le droit d'agir, pour faire ce que celles-ci ont le droit de faire, pour garantir les Personnes, les Libertés, les Propriétés, pour maintenir chacun dans son Droit, pour faire régner entre tous la Justice.

Et s'il existait un peuple constitué sur cette base, il me semble que l'ordre y prévaudrait dans les faits comme dans les idées. Il me semble que ce peuple aurait le gouvernement le plus simple, le plus économique, le moins lourd, le moins senti, le moins responsable, le plus juste, et par conséquent le plus solide qu'on puisse imaginer, quelle que fût d'ailleurs sa forme politique.

Car, sous un tel régime, chacun comprendrait bien qu'il a toute la plénitude comme toute la responsabilité de son Existence. Pourvu que la personne fût respectée, le travail libre et les fruits du travail garantis contre toute injuste atteinte, nul n'aurait rien à démêler avec l'État. Heureux, nous n'aurions pas, il est vrai, à le remercier de nos succès; mais malheureux, nous ne nous en prendrions pas plus à lui de nos revers que nos paysans ne lui attribuent la grêle ou la gelée. Nous ne le connaîtrions que par l'inestimable bienfait de la Sûreté.

On peut affirmer encore que, grâce à la non-intervention de l'État dans des affaires privées, les Besoins et les Satisfactions se développeraient dans l'ordre naturel. On ne verrait point les familles pauvres chercher l'instruction littéraire avant d'avoir du pain. On ne verrait point la ville se peupler aux dépens des campagnes, ou les campagnes aux dépens des villes. On ne verrait pas ces grands déplacements de capitaux, de travail, de population, provoqués par des mesures législatives, déplacements qui rendent si incertaines et si précaires les sources mêmes de l'existence, et aggravent par là, dans une si grande mesure, la responsabilité des gouvernements.

Par malheur, il s'en faut que la Loi se soit renfermée dans son rôle. Même il s'en faut qu'elle ne s'en soit écartée que dans des vues neutres et discutables. Elle a fait pis: elle a agi contrairement à sa propre fin; elle a détruit son propre but; elle s'est appliquée à anéantir cette Justice qu'elle devait faire régner, à effacer, entre les Droits, cette limite que sa mission était de faire respecter; elle a mis la force collective au service de ceux qui veulent exploiter, sans risque et sans scrupule, la Personne, la Liberté ou la Propriété d'autrui; elle a converti la Spoliation en Droit, pour la protéger, et la légitime défense en crime, pour la punir.

Comment cette perversion de la Loi s'est-elle accomplie? Quelles en ont été les conséquences?

La Loi s'est pervertie sous l'influence de deux causes bien différentes: l'égoïsme inintelligent et la fausse philanthropie.

Parlons de la première.

Se conserver, se développer, c'est l'aspiration commune à tous les hommes, de telle sorte que si chacun jouissait du libre exercice de ses facultés et de la libre disposition de leurs produits, le progrès social serait incessant, ininterrompu, infaillible.

Mais il est une autre disposition qui leur est aussi commune. C'est de vivre et de se développer, quand ils le peuvent, aux dépens les uns des autres. Ce n'est pas là une imputation hasardée, émanée d'un esprit chagrin et pessimiste. L'histoire en rend témoignage par les guerres incessantes, les migrations de peuples, les oppressions sacerdotales, l'universalité de l'esclavage, les fraudes industrielles et les monopoles dont ses annales sont remplies.

Cette disposition funeste prend naissance dans la constitution même de l'homme, dans ce sentiment primitif, universel, invincible, qui le pousse vers le bien-être et lui fait fuir la douleur.

L'homme ne peut vivre et jouir que par une assimilation, une appropriation perpétuelle, c'est-à-dire par une perpétuelle application de ses facultés sur les choses, ou par le travail. De là la Propriété.

Mais, en fait, il peut vivre et jouir en s'assimilant, en s'appropriant le produit des facultés de son semblable. De là la Spoliation.

Or, le travail étant en lui-même une peine, et l'homme étant naturellement porté à fuir la peine, il s'ensuit, l'histoire est là pour le prouver, que partout où la spoliation est moins onéreuse que le travail, elle prévaut; elle prévaut sans que ni religion ni morale puissent, dans ce cas, l'empêcher.

Quand donc s'arrête la spoliation? Quand elle devient plus onéreuse, plus dangereuse que le travail.

Il est bien évident que la Loi devrait avoir pour but d'opposer le puissant obstacle de la force collective à cette funeste tendance; qu'elle devrait prendre parti pour la propriété contre la Spoliation.

Mais la Loi est faite, le plus souvent, par un homme ou par une classe d'hommes. Et la Loi n'existant point sans sanction, sans l'appui d'une force prépondérante, il ne se peut pas qu'elle ne mette en définitive cette force aux mains de ceux qui légifèrent.

Ce phénomène inévitable, combiné avec le funeste penchant que nous avons constaté dans le cœur de l'homme, explique la perversion à peu près universelle de la Loi. On conçoit comment, au lieu d'être un frein à l'injustice, elle devient un instrument et le plus invincible instrument d'injustice. On conçoit que, selon la puissance du législateur, elle détruit, à son profit, et à divers degrés, chez le reste des hommes, la Personnalité par l'esclavage, la Liberté par l'oppression, la Propriété par la spoliation.

Il est dans la nature des hommes de réagir contre l'iniquité dont ils sont victimes. Lors donc que la Spoliation est organisée par la Loi, au profit des classes qui la font, toutes les classes spoliées tendent, par des voies pacifiques ou par des voies révolutionnaires, à entrer pour quelque chose dans la confection des Lois. Ces classes, selon le degré de lumière où elles sont parvenues, peuvent se proposer deux buts bien différents quand elles poursuivent ainsi la conquête de leurs droits politiques: ou elles veulent faire cesser la spoliation légale, ou elles aspirent à y prendre part.
(…)

Qu'est-ce que la Loi? que doit-elle être? quel est son domaine? quelles sont ses limites? où s'arrêtent, par suite, les attributions du Législateur?

Je n'hésite pas à répondre: La Loi, c'est la force commune organisée pour faire obstacle à l'Injustice — et pour abréger, la Loi, c'est la Justice.

Il n'est pas vrai que le Législateur ait sur nos personnes et nos propriétés une puissance absolue, puisqu'elles préexistent et que son œuvre est de les entourer de garanties.

Il n'est pas vrai que la Loi ait pour mission de régir nos consciences, nos idées, nos volontés, notre instruction, nos sentiments, nos travaux, nos échanges, nos dons, nos jouissances.

Sa mission est d'empêcher qu'en aucune de ces matières le droit de l'un n'usurpe le droit de l'autre.

La Loi, parce qu'elle a pour sanction nécessaire la Force, ne peut avoir pour domaine légitime que le légitime domaine de la force, à savoir: la Justice.

Et comme chaque individu n'a le droit de recourir à la force que dans le cas de légitime défense, la force collective, qui n'est que la réunion des forces individuelles, ne saurait être rationnellement appliquée à une autre fin.

La Loi, c'est donc uniquement l'organisation du droit individuel préexistant de légitime défense.

La Loi, c'est la Justice.

Il est si faux qu'elle puisse opprimer les personnes ou spolier les propriétés, même dans un but philanthropique, que sa mission est de les protéger.

Et qu'on ne dise pas qu'elle peut au moins être philanthropique, pourvu qu'elle s'abstienne de toute oppression, de toute spoliation; cela est contradictoire. La Loi ne peut pas ne pas agir sur nos personnes ou nos biens; si elle ne les garantit, elle les viole par cela seul qu'elle agit, par cela seul qu'elle est.
(…)

Il faut le dire: il y a trop de grands hommes dans le monde; il y a trop de législateurs, organisateurs, instituteurs de sociétés, conducteurs de peuples, pères des nations, etc. Trop de gens se placent au-dessus de l'humanité pour la régenter, trop de gens font métier de s'occuper d'elle.

On me dira: Vous vous en occupez bien, vous qui parlez. C'est vrai. Mais on conviendra que c'est dans un sens et à un point de vue bien différents, et si je me mêle aux réformateurs c'est uniquement pour leur faire lâcher prise.

samedi 23 mai 2009

Une perspective pessimiste : à quoi bon des libertariens dans un monde étatique ?

Publié aussi sur le Québécois Libre, ici.

« A quoi bon des poètes en des temps de détresse ? », se demandait au XIXe siècle Hölderlin, grand poète lyrique de langue allemande, avant de mourir fou. J’ignore si la détresse est devenue moins poétique, ce que je crains est qu’aujourd’hui sa cause profonde soit étatique !

Demandons-nous en parodiant le poète : à quoi bon des libertariens dans un monde étatique ? L’Etat n’a-t-il pas tout envahi, en se masquant derrière les meilleurs prétextes : la morale, la solidarité, la justice, la sécurité, l’intérêt général ? Son idéologie autojustificatrice n’a-t-elle pas profondément pénétré les cerveaux, à tel point, comme l’écrivait Bastiat, ce visionnaire, « qu'on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d'un ministre ou d'un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d'avoir perdu jusqu'à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice. » ?

L’Etat ne s’avance jamais à visage découvert, ou plutôt « à idéologie découverte » : même si sa seule loi est en dernier lieu la loi du plus fort (masquée par tous les artifices du droit positif), et sa seule raison le fait du prince (c’est-à-dire de ceux qui sont aux manettes de la machine étatique : politiciens, technocrates, et les groupes de pression qui ont leurs faveurs), il ne manque jamais d’intellectuels subventionnés pour justifier son action, cacher sa vraie nature et trouver des boucs émissaires pour le disculper des catastrophes qu’il provoque (la crise financière actuelle l’illustre excellemment). Et les « sujets » de l’Etat eux-mêmes en redemandent, incapables de comprendre l’assujettissement dans lequel ils sont enfermés, victimes dociles d’une servitude volontaire, oubliant que puisque ce sont eux qui font vivre l’Etat, ce dernier ne saurait les faire vivre.

Allons jusqu’au bout de cette perspective pessimiste. Peut-on imaginer à la tête du pouvoir, quelles que soient les constitutions, les évolutions et les révolutions, autre chose qu’une petite élite immorale, qui use et abuse de la machine étatique dans son propre intérêt aux dépens d’une masse aveuglée, avec l’aide d’une fonction publique aux ordres et d’une clientèle intéressée (l’Etat ponctionne très profond et arrose très large) ? Son succès tient et tiendra à la force de son idéologie (quoi de mieux que de grands mots creux : « république », « démocratie », « justice sociale »), à ses relais dans l’opinion (quoi de mieux pour cela qu’une presse subventionnée ?), à son acceptation par le plus grand nombre (quoi de mieux pour cela qu’un état-providence faussement généreux ?), à son apparente légitimité (quoi de mieux que l’imposture démocratique qui permet de voler autrui dans l’impunité ?). Nos étatistes sont cent fois plus vicieux et puissants que les monarques d’antan. Leur entreprise consiste à spolier délibérément les plus faibles et à confisquer la richesse là où elle est produite. Inutile de se voiler la face : nos princes ont réussi au-delà de toute espérance.

Mais peut-il exister des princes soucieux du bien du peuple, qui fassent passer son intérêt avant le leur, conscients du risque de « corruption absolue » qui découle du pouvoir absolu ? L’argument libertarien est sans appel : dès que le pouvoir sort de sa sphère légitime, qui consiste à faire respecter le droit naturel, et qu’il s’occupe de monnaie, d’éducation, de santé, de culture, de religion, etc., le prince est immanquablement immoral, quelles que soient par ailleurs ses qualités. Cela se traduisait autrefois par un léviathan alternativement belliqueux, esclavagiste, théocratique, impérialiste, colonialiste, paternaliste. Dans la variante moderne qui est celle de notre époque, cela se traduit in fine par des déficits accrus et une dette qui sera impossible à rembourser, avec un prince « démocratiquement » élu qui dispense l’argent volé en espérant que d’autres que lui, dans un avenir indéterminé, s’emploieront à nettoyer les écuries d’Augias et à remédier aux dégâts collatéraux. C’est le contribuable futur qui payera (croit-on), ou bien on dévaluera la monnaie sans se soucier de la ruine du pays. Le moment venu, on trouvera bien la victime expiatoire, politiquement faible, qui conviendra.

Le degré d’étatisme dans un pays donné peut se mesurer par deux paramètres : l’éthique (ou l’absence d’éthique) de l’élite au pouvoir ; la lucidité (ou l’aveuglement) du citoyen ordinaire. Et à ce jour il n’y a pas plus de despotes éclairés, capables d’autolimiter leur pouvoir, que de sujets bien au fait de leurs droits, insensibles à la démagogie ambiante et peu portés à ce « désir de vivre de l’impôt » que diagnostiquait Tocqueville en ce qui concerne la France. Le libertarien s’époumone en vain à crier que le roi est nu, malgré son pouvoir presque absolu, et que ses sujets, malgré leur prétendue « conscience citoyenne », sont ignorants, complaisants, profiteurs ou mus par l’éternel démon de la jalousie sociale.

A quoi servons-nous donc ? Peut-être uniquement à rendre témoignage, à rappeler à ceux que l’étatisme triomphant n’a pas encore aveuglés que les mots galvaudés d’éthique et de justice ont un sens objectivement défini, reposant sur le respect de la liberté individuelle et du droit de propriété. C’est peu, mais c’est beaucoup quand même.

vendredi 13 février 2009

Le premier qui dit la vérité...

Il est rare de trouver des hommes politiques qui disent la vérité. Ils sont d'habitude experts pour se défausser de leur responsabilité en accusant la conjoncture, le marché, les entreprises, le secteur privé, les autres pays, voire le citoyen lambda, qui vote mal, consomme mal, pense mal, et ainsi de suite. Leur action à eux, leurs décisions, leurs lois, ne sont jamais en cause.

Et puis un jour, un certain Vaclav Klaus, président de la République tchèque, dit ceci :
Cette crise économique très déplaisante, qui s’approfondit de jour en jour, il faudrait reconnaître qu’elle est un phénomène économique banal, en tant que conséquence inévitable d’une longue manipulation du marché par les hommes politiques et donc comme un "juste" prix à payer. Les tentatives de ceux-ci pour faire porter le chapeau au marché, au lieu de le porter eux-mêmes, sont inacceptables et on doit les rejeter résolument.

dimanche 1 février 2009

Folie des dirigeants et sagesse des hommes


A lire : l'analyse de la crise par Pascal Salin, publiée par l'Institut Constant de Rebecque : La crise financière : causes, conséquences, solutions.

Citation :
Il est donc paradoxal et même tragique que, d'une part, l’on attribue la crise financière et économique au fonctionnement libre des marchés – alors qu’elle a été provoquée par une mauvaise politique monétaire – et que, d'autre part, l’on attende maintenant des solutions de la politique économique, alors qu’il conviendrait de faire confiance aux marchés !

Compte tenu du matraquage idéologique auquel est soumise l’opinion, on comprend que les hommes politiques soient tentés de se précipiter dans la brèche ainsi ouverte, ce qui leur permet d’apparaître comme des sauveurs. Mais les victimes en seront les citoyens eux-mêmes.

Les États décident actuellement, un peu partout dans le monde, de « mobiliser » des centaines de milliards d’euros pour sauver des banques en faillite, pour aider des entreprises en difficulté, pour accroître artificiellement le pouvoir d’achat, alors qu’ils ne savent absolument pas quels ajustements sont nécessaires dans les structures productives afin de retrouver des situations d’équilibre.

Mais ce faisant, ils ne créent aucune richesse, ils ne font que déplacer les richesses créées par les citoyens. Pour financer ces folles dépenses, ils ont recours à l’impôt – diminuant d’autant le pouvoir d’achat des citoyens – ou à l’emprunt – limitant alors les ressources nécessaires à l’investissement.

Ne se trouvera-t-il pas un grand dirigeant politique pour affirmer : « Je n’ai pas la prétention de savoir comment sortir de la crise, les marchés le savent mieux que moi, et je préfère donc m’en remettre à la sagesse des hommes » ?